Refus de permis de construire et raccordement aux réseaux : nouvelles précisions jurisprudentielles
- Chloé Daguerre-Guillen
- il y a 3 jours
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Les refus d'autorisation d'urbanisme fondés sur l'absence de raccordement aux réseaux d'eau ou d'électricité sont nombreux et peuvent paralyser des projets pendant plusieurs années.
Ils donnent lieu à un abondant contentieux qui a été récemment alimenté par une décision rendue par la Cour administrative d'appel de MARSEILLE le 3 Avril 2025.
Rappels
Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés (article L. 111-11 du Code de l’urbanisme).
Il résulte de ces dispositions que pour s’opposer à une demande d’autorisation d’urbanisme lorsque des travaux de raccordement, de quelque nature qu’ils soient, sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, deux critères cumulatifs doivent être remplis :
tout d’abord, l’autorité compétente ne doit pas être en mesure de déterminer dans quel délai les travaux doivent être effectués,
ensuite, elle ne doit pas pouvoir déterminer par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire ces travaux doivent être réalisés.
Une collectivité publique ne saurait s’opposer à une demande d’autorisation d’urbanisme sur la base de l’article L. 111-11 du Code de l’urbanisme si elle ne justifie pas remplir les deux conditions précitées.
Cela est régulièrement jugé par les juridictions administratives :
« 2. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article L. 111-4 du code de l’urbanisme : « Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l’aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d’eau, d’assainissement ou de distribution d’électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d’aménager ne peut être accordé si l’autorité compétente n’est pas en mesure d’indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés. » ; qu’il résulte de ces dispositions qu’un permis de construire doit être refusé lorsque, d’une part, des travaux d’extension ou de renforcement de la capacité des réseaux publics de distribution d’eau, d’assainissement ou d’électricité sont nécessaires à la desserte de la construction projetée et, d’autre part, lorsque l’autorité compétente n’est pas en mesure d’indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés, après avoir, le cas échéant, accompli les diligences appropriées pour recueillir les informations nécessaires à son appréciation ;
3. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le terrain d’assiette du projet en litige n’est pas desservi par le réseau public d’électricité et nécessite ainsi des travaux d’extension dudit réseau pour permettre son raccordement ; que, cependant, il ne ressort pas de ces mêmes pièces que la commune de Lagny-sur-Marne n’était pas en mesure d’indiquer dans quel délai les travaux d’extension du réseau doivent être exécutés ; que la circonstance que la commune n’avait pas prévu la réalisation de tels travaux et qu’elle n’avait dès lors pas inscrit à son budget la dépense correspondant à un tel investissement ne suffit pas à établir qu’elle était dans l’incapacité de prévoir dans quel délai elle pourrait entreprendre les travaux d’extension du réseau, dès lors qu’elle ne justifie pas avoir accompli les diligences nécessaires pour recueillir les informations utiles sur ce point ; que, dans ces conditions, Mme X est fondée à soutenir que le premier motif de refus de sa demande de permis de construire est illégal au regard de l’article L. 111-4 du code de l’urbanisme précité ; ».
Tribunal administratif de MELUN, 30 octobre 2013, n° 1201085
Voir encore :
« 4. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier, et notamment de l’avis rendu le 11 avril 2013 par les services d’Electricité réseau distribution France (ERDF), que la desserte de la parcelle supportant la construction envisagée nécessite une extension de 105 mètres du réseau électrique existant ; qu’en produisant un devis du syndicat départemental d’énergie de la Manche (SDEM 50) et un constat d’huissier du 2 octobre 2013, qui mesure une distance de 77 mètres du coffret d’alimentation électrique au niveau de la parcelle n° 956 jusqu’à l’entrée de sa parcelle, Mme C… ne démontre pas qu’un simple raccordement au réseau public de distribution d’électricité suffirait à alimenter la maison dont elle projette l’édification, alors que ce coffret n’est prévu que pour l’alimentation d’une seule habitation ; que si dans le dernier état de ses écritures, la requérante évoque un autre point de raccordement à 70 mètres au droit de la parcelle cadastrée section AX n° 124 située en face de sa propriété, une telle possibilité de raccordement n’a jamais été envisagée par ERDF ou le SDEM 50, et rien ne démontre qu’elle serait envisageable ; qu’ainsi, l’extension du réseau d’électricité doit être regardée comme nécessaire ; que, toutefois, alors même qu’à la date de la décision contestée, la commune de Créances ne manifestait aucune intention d’urbaniser le secteur d’implantation de la parcelle concernée, laquelle était classée en zone AI non constructible du plan local d’urbanisme (PLU) en cours d’élaboration, elle n’a cependant pas justifié avoir accompli, conformément aux dispositions précitées de l’article L.111-4 du code de l’urbanisme, les diligences appropriées, notamment auprès du SDEM 50, gestionnaire du réseau, lui permettant de déterminer le délai et les modalités de réalisation des travaux d’extension du réseau public d’électricité dans le secteur d’assiette du projet; »
Cour Administrative d'Appel de Nantes, 2ème Chambre, 7 mai 2015, 14NT00826
Il résulte de ces jurisprudences qu’une collectivité ne saurait s’opposer à un projet sur la base des dispositions de l’article L. 111-11 du Code de l’urbanisme pour un motif étranger au délai et aux modalités de réalisation des travaux de raccordement.
Comment déterminer si la collectivité avait pour projet de réaliser les travaux nécessaires dans le secteur concerné ?
Dans l'affaire commentée, la juridiction rappelle qu'un permis de construire doit être refusé lorsque :
d’une part, des travaux d'extension ou de renforcement de la capacité des réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou d'électricité sont nécessaires à la desserte de la construction projetée,
d’autre part, l’autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés, après avoir, le cas échéant, accompli les diligences appropriées pour recueillir les informations nécessaires à son appréciation.
La CAA de Marseille rappelle que si les dispositions précitées n'imposent pas que l'autorité délivrant le permis soit en mesure de fixer la date précise d'achèvement des travaux, l'intention de les réaliser doit pouvoir être établie. Tel peut être le cas si les procédures nécessaires à leur réalisation ont été engagées à la date de délivrance du permis de construire ou d'aménager litigieux.
En l’espèce :
la collectivité avait fait paraître un avis d’appel public à concurrence portant sur la création d’une station d’épuration d’une capacité de traitement de 350 équivalent habitant alors que la population du secteur, classé en zone urbaine, s’élève à 150 habitants,
l’OAP du PLU prévoit une densification du secteur,
l’avis émis par le gestionnaire du réseau d’eau, faisant apparaître que le projet pourrait nécessiter une extension, ne suffit pas à établir que le raccordement à la station d’épuration serait impossible.
La Cour en déduit que la Commune ne pouvait donc pas légalement opposer un tel motif de refus au porteur de projet.