Permis de construire et contrôle du risque d’incendie : portée et limites de l’appréciation du préfet
- Chloé Daguerre-Guillen
- 5 mars
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1. L’étendue du pouvoir d’appréciation de l’autorité administrative au titre de l’article R. 111-2 du Code de l’urbanisme
L’article R. 111-2 du Code de l'urbanisme prévoit que l’autorité compétente peut refuser un projet de construction ou ne l’accepter qu’en l’assortissant de prescriptions spéciales, si celui-ci est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique. L’administration et le juge de l’excès de pouvoir doivent alors examiner à la fois la probabilité de la réalisation du risque et la gravité de ses conséquences.
Dans le cas d’espèce, le préfet avait estimé que l’importance du risque d’incendie justifiait un refus de permis, même en l’absence de prescriptions spécifiques permettant de limiter ce risque. Il a ainsi pris en compte les conclusions du plan de prévention des risques naturels, bien que celui-ci ait été annulé pour un vice de procédure.
2. L’utilisation d’un plan de prévention des risques annulé : une base juridique contestable
Le terrain litigieux avait été classé en zone BO dans le cadre du plan de prévention des risques d’incendie en forêt, ce qui impliquait une interdiction de construire tant que les ouvrages de protection collective n’étaient pas réalisés. Toutefois, ce plan a été annulé par le tribunal administratif de Bastia en 2014 pour un vice de procédure.
En l’absence de ce plan dans l’ordonnancement juridique, le préfet ne pouvait plus invoquer ses dispositions normatives pour justifier son refus. Il lui restait néanmoins la possibilité de se fonder sur les études réalisées lors de son élaboration pour apprécier la dangerosité du site. Or, cette approche demeure contestable dans la mesure où elle repose sur des éléments qui ne bénéficient plus d’une valeur réglementaire contraignante.
3. Une appréciation erronée du risque d’incendie
Une étude de risque, réalisée à la demande du pétitionnaire, permettait d'apporter plusieurs éléments objectifs contestant l’analyse du préfet :
D’une part, malgré la présence d’une végétation dense et l’exposition aux vents dominants, une action efficace des services de lutte contre l’incendie était possible depuis le bas du vallon.
D’autre part, la décharge sauvage, identifiée comme une source importante de propagation des incendies, avait été transformée en déchetterie, réduisant ainsi significativement le risque initialement identifié.
L’analyse du préfet ne tenait donc pas compte de l’évolution des circonstances et des mesures correctives mises en place, ce qui affaiblit la pertinence de sa décision.
4. Des aménagements sécuritaires suffisants pour prévenir le risque
L’étude souligne également l’existence d’infrastructures adaptées pour garantir la sécurité du projet :
Le terrain est accessible par des voies suffisamment larges (chemins de 4 à 5,5 mètres de largeur) facilitant l’intervention des secours.
Des aires de retournement sont aménagées sur les parcelles concernées.
Quatre poteaux incendie sont situés à proximité immédiate du terrain, le plus proche ayant été installé en 2018.
Ces éléments démontrent que le projet bénéficie d’un niveau de protection suffisant pour limiter le risque d’incendie. Dès lors, l’argument du préfet fondé sur la dangerosité du site apparaît excessif.
5. L'erreur d’appréciation du préfet confirmée par le juge
Compte tenu de la nature limitée du projet, des mesures préventives mises en place et de la diminution effective du risque d’incendie, le préfet ne pouvait légalement rendre un avis défavorable sans commettre une erreur d’appréciation.
Le Tribunal administratif de Bastia a donc logiquement conclu à l’illégalité de cet avis, annulant le refus du maire et enjoignant à ce dernier de délivrer le permis modificatif.