Déclassement en zone naturelle et prévention des risques de crues.
- Chloé Daguerre-Guillen
- 7 févr.
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Qu'elles résultent d'informations transmises par l'État dans le cadre du dispositif de porter à connaissance (cf. article L. 132-2 du Code de l’urbanisme) ou d’événements observés à l’échelle locale, les autorités compétentes en matière de planification urbaine peuvent être amenées à restreindre, voire à interdire, la constructibilité de certaines zones exposées aux risques naturels d’expansion des crues. À ce titre, elles disposent de la faculté de classer ces secteurs en zones naturelles inconstructibles.
L’article R. 151-24 du Code de l’urbanisme offre en effet la possibilité aux auteurs des plans locaux d'urbanisme de classer en zone naturelle certaines parties du territoire communal, qu’elles soient aménagées ou non, lorsque la prévention des risques, notamment d’inondation, l’exige.
Une réponse ministérielle apporte un éclairage complémentaire sur l’application de ces dispositions ainsi que sur leur articulation avec les plans de prévention des risques (Rép. min. n° 2973 : JO Sénat Q, 6 février 2025, p. 407).
Le classement en zone naturelle doit être justifié
Toute décision de classement en zone naturelle (N) doit être étayée et dûment motivée dans le rapport de présentation du plan local d’urbanisme, conformément aux exigences de l’article L. 151-4 du Code de l’urbanisme.
Cette justification repose sur un diagnostic des prévisions et besoins environnementaux, mettant en exergue la nature et l’ampleur des risques d’inondation ainsi que la vulnérabilité du territoire concerné.
Par ailleurs, le classement en zone N peut résulter d’orientations et d’objectifs de protection définis par un document supra-communal avec lequel le PLU doit être compatible, tel que le schéma de cohérence territoriale (SCOT) ou, en son absence, le schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE), prévu à l’article L. 212-3 du Code de l’environnement.
Cette classification peut également découler de l’application de servitudes instaurées par un plan de prévention des risques naturels (PPRN), lequel délimite les zones inondables préservées pour l’expansion des crues.
Dans ce cas, le PPRN revêt le caractère de servitude d’utilité publique (SUP) et doit être annexé au PLU des collectivités concernées, en application de l’article L. 151-43 du Code de l’urbanisme.
La transcription de cette servitude en annexe du PLU ou sa publication sur le portail national de l’urbanisme entraîne son opposabilité aux demandes d’autorisation d’occupation du sol (cf. article L. 152-7 du Code de l’urbanisme).
Une approche nuancée dans la définition des prescriptions
Néanmoins, en l’absence de servitudes déjà édictées par un PPRN, une approche préventive peut s’avérer nécessaire afin de protéger les personnes et les biens, anticipant ainsi d’éventuels sinistres aux conséquences humaines et matérielles majeures.
Une telle démarche permet également aux collectivités d’alerter en amont la population et de prévenir le dépôt de demandes de permis de construire dans des secteurs à risque, qui seraient inévitablement refusées sur le fondement de l’article R. 111-2 du Code de l’urbanisme, si le projet est de nature à compromettre la salubrité ou la sécurité publique en raison de son implantation, de ses caractéristiques ou de son importance.
À l’inverse, lorsque l’existence d’un PPRN encadrant les risques est avérée, les règles du PLU ne sauraient méconnaître ces contraintes environnementales sous peine d’illégalité pour erreur manifeste d’appréciation. En revanche, si l’autorité compétente choisit d’instaurer des prescriptions plus strictes que celles prévues par le PPRN, ces dernières doivent être dûment justifiées, par exemple par la prise en compte d’un aléa non recensé dans le PPR ou par l’émergence de nouvelles connaissances techniques. Une réglementation excessivement contraignante, alors que le PPRN ne signale qu’un risque limité, pourrait également être frappée d’illégalité (CAA Marseille, 19 octobre 2006, req. n° 03MA01967).
Ainsi, l’élaboration des règles d’occupation du sol, en tenant compte des risques naturels, requiert une évaluation rigoureuse et précise de ces derniers. La jurisprudence et la réglementation en vigueur soulignent l’impératif, pour les collectivités, de faire preuve de discernement dans l’établissement des prescriptions urbanistiques, que celles-ci interviennent en complément ou en l’absence d’un PPRN. Chaque disposition doit être fondée sur des études techniques et scientifiques attestant de la réalité et de l’intensité du risque encouru.