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Contester un refus de certificat d'urbanisme fondé sur l'insuffisance de desserte aux réseaux

Il est courant que les collectivités s'opposent à de certificat d'urbanisme au motif de l'absence ou de l'insuffisance de réseaux (électricité, eau). De tels refus peuvent paralyser des projets et sont, bien souvent, infondés.


Qu'est-ce qu'un certificat d'urbanisme ?


L’article L. 410-1 du Code de l’urbanisme énonce :


« Le certificat d'urbanisme, en fonction de la demande présentée :

a) Indique les dispositions d'urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété et la liste des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain ;

b) Indique en outre, lorsque la demande a précisé la nature de l'opération envisagée ainsi que la localisation approximative et la destination des bâtiments projetés, si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération ainsi que l'état des équipements publics existants ou prévus ;

Lorsqu'une demande d'autorisation ou une déclaration préalable est déposée dans le délai de dix-huit mois à compter de la délivrance d'un certificat d'urbanisme, les dispositions d'urbanisme, le régime des taxes et participations d'urbanisme ainsi que les limitations administratives au droit de propriété tels qu'ils existaient à la date du certificat ne peuvent être remis en cause à l'exception des dispositions qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique.

Lorsque le projet est soumis à avis ou accord d'un service de l'Etat, les certificats d'urbanisme le mentionnent expressément. Il en est de même lorsqu'un sursis à statuer serait opposable à une déclaration préalable ou à une demande de permis. Le certificat d'urbanisme précise alors expressément laquelle ou lesquelles des circonstances prévues aux deuxième à sixième alinéas de l'article L. 424-1 permettraient d'opposer le sursis à statuer.

Le certificat d'urbanisme est délivré dans les formes, conditions et délais déterminés par décret en Conseil d'Etat par l'autorité compétente mentionnée au a et au b de l'article L. 422-1 du présent code. »


Le certificat peut être négatif lorsque le projet n'est pas réalisable au regard des dispositions énoncées par l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme.


Il doit être notamment négatif lorsque toute demande d'autorisation pourrait, du seul fait de la localisation du terrain, être refusée en fonction des dispositions d'urbanisme et, notamment, des règles générales d'urbanisme.


Ce certificat doit alors être motivé pour être valable (C. urb., art. R*. 410-14).


L'administration doit ainsi justifier le caractère négatif du certificat délivré, dans les conditions prévues par la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs (Circ. n° 85-27, 22 avr. 1985, § 3.2.3 partiel).


L'administration peut-elle refuser de délivrer un certificat d'urbanisme au motif de l'insuffisance des réseaux existants ?


L’article A 410-5 du Code de l’urbanisme énonce :


« Lorsque la demande porte sur un certificat délivré en application du b de l'article L. 410-1, le certificat d'urbanisme indique :

a) Si le terrain peut ou non être utilisé pour la réalisation de l'opération précisée dans la demande ;

b) L'état des équipements publics existants ou prévus.

Lorsqu'il indique que le terrain ne peut pas être utilisé pour la réalisation de l'opération, le certificat précise les circonstances de droit et de fait qui motivent la décision et indique les voies et délais de recours. »


L’article R. 410-14 ajoute :


« Dans les cas prévus au b de l'article L. 410-1, lorsque la décision indique que le terrain ne peut être utilisé pour la réalisation de l'opération mentionnée dans la demande, ou lorsqu'elle est assortie de prescriptions, elle doit être motivée. »


Et l’article R. 410-10 :


« Dans le cas prévu au b de l'article L. 410-1, le délai d'instruction est de deux mois à compter de la réception en mairie de la demande.

L'autorité compétente recueille l'avis des collectivités, établissements publics et services gestionnaires des réseaux mentionnés à l'article L. 111-11 ainsi que les avis prévus par les articles R. 423-52 et R. 423-53.


Ces avis sont réputés favorables s'ils n'ont pas été émis dans le délai d'un mois à compter de la réception de la demande d'avis. »


Enfin, l’article L. 111-11 du Code de l’urbanisme précise :


« Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés. Lorsqu'un projet fait l'objet d'une déclaration préalable, l'autorité compétente doit s'opposer à sa réalisation lorsque les conditions mentionnées au premier alinéa ne sont pas réunies. Les deux premiers alinéas s'appliquent aux demandes d'autorisation concernant les terrains aménagés pour permettre l'installation de résidences démontables constituant l'habitat permanent de leurs utilisateurs. Un décret en Conseil d'Etat définit pour ces projets les conditions dans lesquelles le demandeur s'engage, dans le dossier de demande d'autorisation, sur le respect des conditions d'hygiène et de sécurité ainsi que les conditions de satisfaction des besoins en eau, assainissement et électricité des habitants, le cas échéant, fixées par le plan local d'urbanisme. »


Il résulte de ces dispositions que pour s’opposer à une demande d’autorisation d’urbanisme lorsque des travaux de raccordement, de quelque nature qu’ils soient, sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, deux critères cumulatifs doivent être remplis :


-        tout d’abord, l’autorité compétente ne doit pas être en mesure de déterminer dans quel délai les travaux doivent être effectués,

-        ensuite, elle ne doit pas pouvoir déterminer par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire ces travaux doivent être réalisés.

 

Une collectivité publique ne saurait s’opposer à une demande d’autorisation d’urbanisme sur la base de l’article L. 111-11 du Code de l’urbanisme si elle ne justifie pas remplir les deux conditions précitées.


Cela est régulièrement jugé par les juridictions administratives :


« 2. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article L. 111-4 du code de l’urbanisme : « Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l’aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d’eau, d’assainissement ou de distribution d’électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d’aménager ne peut être accordé si l’autorité compétente n’est pas en mesure d’indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés. » ; qu’il résulte de ces dispositions qu’un permis de construire doit être refusé lorsque, d’une part, des travaux d’extension ou de renforcement de la capacité des réseaux publics de distribution d’eau, d’assainissement ou d’électricité sont nécessaires à la desserte de la construction projetée et, d’autre part, lorsque l’autorité compétente n’est pas en mesure d’indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés, après avoir, le cas échéant, accompli les diligences appropriées pour recueillir les informations nécessaires à son appréciation ;

3. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le terrain d’assiette du projet en litige n’est pas desservi par le réseau public d’électricité et nécessite ainsi des travaux d’extension dudit réseau pour permettre son raccordement ; que, cependant, il ne ressort pas de ces mêmes pièces que la commune de Lagny-sur-Marne n’était pas en mesure d’indiquer dans quel délai les travaux d’extension du réseau doivent être exécutés ; que la circonstance que la commune n’avait pas prévu la réalisation de tels travaux et qu’elle n’avait dès lors pas inscrit à son budget la dépense correspondant à un tel investissement ne suffit pas à établir qu’elle était dans l’incapacité de prévoir dans quel délai elle pourrait entreprendre les travaux d’extension du réseau, dès lors qu’elle ne justifie pas avoir accompli les diligences nécessaires pour recueillir les informations utiles sur ce point ; que, dans ces conditions, Mme X est fondée à soutenir que le premier motif de refus de sa demande de permis de construire est illégal au regard de l’article L. 111-4 du code de l’urbanisme précité ; ».


Tribunal administratif de MELUN, 30 octobre 2013, n° 1201085


Voir encore :


« 4. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier, et notamment de l’avis rendu le 11 avril 2013 par les services d’Electricité réseau distribution France (ERDF), que la desserte de la parcelle supportant la construction envisagée nécessite une extension de 105 mètres du réseau électrique existant ; qu’en produisant un devis du syndicat départemental d’énergie de la Manche (SDEM 50) et un constat d’huissier du 2 octobre 2013, qui mesure une distance de 77 mètres du coffret d’alimentation électrique au niveau de la parcelle n° 956 jusqu’à l’entrée de sa parcelle, Mme C… ne démontre pas qu’un simple raccordement au réseau public de distribution d’électricité suffirait à alimenter la maison dont elle projette l’édification, alors que ce coffret n’est prévu que pour l’alimentation d’une seule habitation ; que si dans le dernier état de ses écritures, la requérante évoque un autre point de raccordement à 70 mètres au droit de la parcelle cadastrée section AX n° 124 située en face de sa propriété, une telle possibilité de raccordement n’a jamais été envisagée par ERDF ou le SDEM 50, et rien ne démontre qu’elle serait envisageable ; qu’ainsi, l’extension du réseau d’électricité doit être regardée comme nécessaire ; que, toutefois, alors même qu’à la date de la décision contestée, la commune de Créances ne manifestait aucune intention d’urbaniser le secteur d’implantation de la parcelle concernée, laquelle était classée en zone AI non constructible du plan local d’urbanisme (PLU) en cours d’élaboration, elle n’a cependant pas justifié avoir accompli, conformément aux dispositions précitées de l’article L.111-4 du code de l’urbanisme, les diligences appropriées, notamment auprès du SDEM 50, gestionnaire du réseau, lui permettant de déterminer le délai et les modalités de réalisation des travaux d’extension du réseau public d’électricité dans le secteur d’assiette du projet; » 

Cour Administrative d'Appel de Nantes, 2ème Chambre, 7 mai 2015, 14NT00826

 

Il résulte de ces jurisprudences qu’une collectivité ne saurait s’opposer à un projet sur la base des dispositions de l’article L. 111-11 du Code de l’urbanisme pour un motif étranger au délai et aux modalités de réalisation des travaux de raccordement.


Ces jurisprudences sont applicables aux demandes de certificats d’urbanisme opérationnel :


« 7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme : " Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés.() ". Il résulte de ces dispositions qu'un permis de construire doit être refusé ou un certificat d'urbanisme négatif doit être délivré lorsque, d'une part, des travaux d'extension ou de renforcement de la capacité des réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou d'électricité sont nécessaires à la desserte de la construction projetée et, d'autre part, lorsque l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés, après avoir, le cas échéant, accompli les diligences appropriées pour recueillir les informations nécessaires à son appréciation. »


Cour administrative d'appel de Marseille - 11 janvier 2021 - n° 20MA01239


Dans une espèce dans laquelle le Maire d’une commune s’était opposé à un certificat d’urbanisme au motif que le terrain n'était pas desservi en eau potable et en électricité et que des travaux d'extension étaient nécessaires, son arrêté a été annulé dès lors que l’avis du gestionnaire de réseau faisait apparaitre que la parcelle pouvait être raccordée au réseau d’eau :


« Le maire de Saint-Sulpice a délivré le certificat d'urbanisme négatif contesté au motif que le terrain n'est pas desservi en eau potable et en électricité et que des travaux d'extension sont nécessaires alors qu'aucun de ces travaux n'est prévu.


10. Toutefois, s'agissant du raccordement à l'eau potable, il ressort de l'avis de la société Véolia du 19 juin 2018 que le terrain peut être raccordé par un branchement long sur la conduite existante. Le devis produit par la commune, établi par la même société le 13 mars 2019, relativement à une situation dont il n'est pas contesté qu'elle existait à la date de la décision en litige, confirme la possibilité d'un tel branchement par la mise en place d'un raccordement de 98 mètres. S'agissant du branchement en réseau électrique, il ressort des pièces du dossier que la parcelle où est prévu le projet se situe à moins de 100 mètres de l'intersection de la rue de la sablière et de la rue de Troussecourt, desservie par le réseau d'électricité. La commune n'établit ni même n'allègue que les raccordements sollicités, dimensionnés pour répondre exclusivement aux besoins du projet, seraient destinés à desservir d'autres constructions.

11. Un raccordement aux réseaux d'eau et d'électricité est ainsi possible dans les conditions prévues par l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme, sans qu'il soit nécessaire pour ce faire d'user de la servitude de passage de canalisations d'eau dont dispose la parcelle d'assiette du projet sur le fonds servant cadastré AC n° 35. Dans ces conditions, Mme B est fondée à soutenir que le maire de Saint-Sulpice a fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme. »

Cour administrative d'appel de Douai - 1re chambre - formation à 3 - 12 avril 2022 - n° 20DA01466

Par ailleurs, lorsque la collectivité s’abstient de demander au gestionnaire de réseau dans quel délai et à quelles conditions financières les travaux de renforcement du réseau doivent être effectués, le certificat d’urbanisme négatif doit être annulé :

« 5. Pour refuser de délivrer à M. C le certificat d'urbanisme opérationnel sollicité, le maire de la commune de Saleich lui a opposé la circonstance que la capacité du réseau de distribution d'eau potable au droit de son projet ne permettait pas l'alimentation de nouvelles constructions et qu'il n'était pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou concessionnaire de service public les travaux de renforcement de ce réseau devaient être exécutés. Il s'est notamment fondé sur un avis défavorable du 21 mars 2022 du syndicat mixte de l'eau et de l'assainissement de Haute-Garonne Réseau 31, concluant à l'absence de capacité suffisante du réseau de distribution d'eau potable existant.

6. S'il ressort des pièces du dossier que la réalisation du projet envisagé nécessite bien l'exécution de travaux de renforcement du réseau public d'alimentation en eau potable, la commune de Saleich s'est abstenue de solliciter auprès du syndicat mixte de l'eau et de l'assainissement de Haute-Garonne Réseau 31, service gestionnaire de ce réseau, des informations relatives aux délais et aux conditions d'exécution de ces travaux, alors même que de telles informations ne figuraient pas dans l'avis de ce service du 21 mars 2022. Dans ces conditions, M. C est fondé à soutenir que le maire de la commune de Saleich a fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme

7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C est fondé à demander l'annulation de la décision du 31 mars 2022 par laquelle le maire de la commune de Saleich a refusé de lui délivrer le certificat d'urbanisme > opérationnel qu'il avait sollicité. »

Tribunal administratif de Toulouse - 3ème Chambre - 18 juillet 2024 - n° 2204390


En résumé :


-        une commune peut s’opposer à un certificat d’urbanisme lorsque la parcelle n’est pas suffisamment desservie en réseaux (eau notamment) et qu’elle n’est pas en capacité de déterminer par qui, sous quel délai, et à quelles conditions financières, les travaux doivent être réalisés,


-        lorsqu’elle instruit une demande de certificat d’urbanisme, la collectivité doit recueillir les avis des gestionnaires de réseaux et doit leur demander les conditions de réalisation des travaux nécessaires (délai et coûts notamment),


-        lorsqu’une collectivité s’abstient de le faire, le certificat négatif encourt l’annulation.


Comment contester un refus illégal ?


A réception de l'arrêté portant certificat d'urbanisme négatif, le pétitionnaire dispose d'un délai de deux mois pour former un recours gracieux ou bien un recours contentieux.


Un recours en référé, permettant qu'il soit statué sur le dossier en urgence par les juridictions compétentes, peut également être formé. Il devra alors être rapporté la preuve d'une situation d'urgence. Ceci peut s'avérer particulièrement opportun si la parcelle fait l'objet d'une vente immobilière en cours.





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