Autorisation environnementale et tierce expertise : application aux enjeux paysagers liés à l'implantation d'éoliennes
- Chloé Daguerre-Guillen
- 17 mars
- 4 min de lecture
L'article L. 181-13 du Code de l'environnement prévoit que "Lorsque le projet présente des dangers ou inconvénients d'une importance particulière, l'autorité administrative compétente peut, tant lors de l'instruction d'une demande d'autorisation environnementale que postérieurement à sa délivrance, demander une tierce expertise afin de procéder à l'analyse d'éléments du dossier nécessitant des vérifications particulières. / Cette tierce expertise est effectuée par un organisme extérieur choisi en accord avec l'administration par le pétitionnaire et aux frais de celui-ci ".
Faits et procédure
Le 7 juillet 2020, la société pétitionnaire a déposé un dossier de demande d'autorisation pour un projet d'implantation d'un parc de trois éoliennes.
Par un courrier du 22 juin 2022, le Préfet a demandé à la société requérante de produire une tierce-expertise relative aux conditions de réussite de la mesure de plantation d'arbres de haut jet destinée à atténuer les impacts sur un monument classé dans un délai de six mois.
La société requérante a adressé le 20 septembre 2022 un courrier relatant les difficultés rencontrées pour trouver un bureau d'études pour réaliser la tierce-expertise répondant aux conditions fixées par le Préfet.
Le 9 novembre 2022, le Préfet a adressé à la société requérante un projet d'arrêté de refus. La société pétitionnaire a présenté ses observations sur le projet d'arrêté le 22 novembre 2022.
Par un arrêté du 8 décembre 2022, dont la société requérante demande l'annulation, le Préfet a rejeté la demande d'autorisation environnementale.
Analyse
Le recours à la tierce-expertise
L’article L. 181-13 du code de l’environnement prévoit qu’en présence d’un projet présentant des dangers ou inconvénients d’une importance particulière, l’autorité administrative peut solliciter une tierce expertise afin d’éclairer certains aspects techniques du dossier. En l’espèce, le Préfet a usé de cette faculté à l’égard du projet éolien, en raison des incertitudes pesant sur l’efficacité des mesures de réduction de l’impact visuel du parc éolien sur un monument historique classé.
La juridiction rappelle qu'il ressort de l’instruction que l’impact visuel du projet était qualifié de « très fort » depuis le château et « fort » depuis son domaine, entraînant une modification substantielle du cadre paysager.
Par ailleurs, les mesures de réduction proposées, à savoir la plantation d’arbres, apparaissaient d’une efficacité incertaine, comme l’ont relevé tant le commissaire enquêteur que la commission départementale de la nature, des paysages et des sites.
Dans ces conditions, le Préfet était fondé à solliciter une tierce expertise afin de s’assurer de la pertinence des solutions avancées par le pétitionnaire. Ce dernier n’a, en outre, pas apporté la preuve d’une impossibilité objective de satisfaire à cette demande.
En effet, bien que la société requérante ait rencontré des difficultés à identifier un bureau d’études indépendant, elle ne justifie d’aucune démarche postérieure au mois d’août 2022, alors qu’elle disposait encore de plusieurs mois pour répondre à l’exigence préfectorale.
En conséquence, la décision du Préfet ne saurait être regardée comme entachée d’une erreur d’appréciation ou d’un détournement de pouvoir.
L’absence de garanties suffisantes quant à la prévention des atteintes aux intérêts protégés par l’article L. 511-1 du code de l’environnement
L’article L. 181-3 du code de l’environnement subordonne la délivrance d’une autorisation environnementale à la mise en place de mesures de prévention efficaces, destinées à limiter les dangers et inconvénients pour l’environnement, le paysage et le patrimoine.
L’article L. 511-1 du même code impose, quant à lui, une vigilance particulière concernant la conservation des sites, des monuments historiques et des éléments du patrimoine archéologique.
En l’espèce, le château de Maisontiers, classé monument historique, se situe à seulement 1 270 mètres du site d’implantation du projet.
Ce projet comprend trois éoliennes de 180 mètres de hauteur, soit des structures plus hautes et plus proches du château que celles du parc éolien existant, dont l’impact visuel est déjà jugé significatif. L’étude paysagère du projet souligne que cette nouvelle implantation renforcera de manière notable la présence du motif éolien au sein de l’espace protégé, entraînant une modification profonde de son écrin paysager.
Si le pétitionnaire a proposé, à titre de mesure de réduction, l’implantation de dix arbres de haut jet matures ou de deux bosquets, il ressort de l’instruction que cette solution demeure hypothétique et insuffisamment étayée.
En effet :
L’étude paysagère ne précise ni la localisation exacte de ces plantations ni leur capacité à masquer effectivement les éoliennes.
Aucune simulation visuelle de l’impact du projet après mise en œuvre de la mesure n’a été réalisée, rendant impossible une évaluation objective de son efficacité.
Les précédentes tentatives de réduction de l’impact du parc éolien existant par la plantation d’arbres se sont révélées inefficaces, ce qui jette un doute sérieux sur la viabilité de la nouvelle mesure proposée.
Dans ces conditions, le Préfet a pu, sans commettre d’erreur d’appréciation, estimer que le projet éolien était de nature à porter une atteinte significative aux paysages protégés et au château de Maisontiers, et ce, sans qu’aucune prescription spécifique ne puisse en atténuer suffisamment les effets.
Enfin, il convient de relever que la décision attaquée ne repose pas sur une interdiction générale et absolue du projet éolien, mais sur une insuffisance avérée des mesures de réduction proposées.
Le Préfet ne s’est pas fondé sur l’impossibilité totale de masquer les éoliennes, mais sur l’absence de garanties quant à l’efficacité des moyens avancés pour atténuer leur visibilité.